5 Retour sur l’introduction et applications

5.1. La durée d’un prêt avec intérêts composés

En cinquième année, vous avez appris la différence entre les intérêts simples et les intérêts composés. Les premiers correspondent aux suites arithmétiques tandis que les seconds correspondent aux suites géométriques. Les suites arithmétiques sont généralement plus simples à manipuler que les suites géométriques, comme en témoigne le double problème suivant (que vous avez normalement déjà rencontré en cinquième année, au moins sous une forme semblable).

Problème

  1. Vous déposez euros sur un compte en banque avec des intérêts simples annuels de . Combien d’années devez-vous attendre sans toucher à l’argent du compte pour accumuler euros ?

  2. Vous déposez euros sur un compte en banque avec des intérêts composés annuels de . Combien d’années devez-vous attendre sans toucher à l’argent du compte pour accumuler euros ?

Solution

  1. Comme le compte est à intérêts simples, les différentes quantités d’argent présentes sur le compte forment une suite arithmétique de terme initial et de raison . Après années (), la somme d’argent sur le compte en banque est égale à . On cherche donc à résoudre l’équation :

    Comme les intérêts sont annuels, il faudra attendre ans pour avoir au moins euros sur le compte. Remarque : pour les intérêts simples, l’équation à résoudre pour trouver la solution au problème pouvait être résolue facilement. Il n’en va pas en être de même pour les intérêts composés.

  2. Comme le compte est à intérêts composés, les différentes quantités d’argent présentes sur le compte forment une suite géométrique de terme initial et de raison . Après années (), la somme d’argent sur le compte en banque est égale à . On cherche donc à résoudre l’équation :

    Remarque : pour les intérêts composés, l’équation à résoudre pour trouver la solution au problème ne pouvait pas être résolue facilement en cinquième année : vous en étiez réduit à rechercher à tâtons une valeur de pour laquelle . Néanmoins, nous connaissons à présent l’existence des fonctions logarithmes et nous pouvons donc exprimer la solution de cette équation.

    Comme les intérêts sont annuels, il faudra attendre ans pour avoir au moins euros sur le compte.

Ainsi, puisque nous sommes à présent capables de résoudre toute équation de la forme :

et grâce aux logarithmes, nous sommes capables de trouver la solution au problème de la durée d’un prêt (ou d’un emprunt) aussi bien pour des intérêts simples que pour des intérêts composés.

Entraînons-nous avec quelques exercices.

5.2 Le temps de décomposition d’une substance radioactive

Comme vous l’avez vu ou le verrez dans votre cours de physique, les isotopes instables ont la propriétés de se désintégrer de telle manière qu’une même proportion d’atomes instables se désintègrent toujours pour une même période de temps.

En particulier, il faudra toujours une même période de temps pour que la moitié de la quantité d’un isotope radioactif se soit désintégrée : cette période de temps est appelée la demi-vie de l’isotope (aussi appelée période radioactive de l’isotope). Par exemple, la demi-vie du plutonium est de années. Si vous possédez kg de plutonium , il en restera g après années, g après années, g après années et ainsi de suite.

Contrairement à ce que beaucoup de personnes croient, il ne suffit pas de d’une période de temps égale à deux demi-vies d’une matière radioactive pour que celle-ci se soit complétement désintégrée. C’est par exemple un problème avec le radon , un isotope de ce gaz noble qui est produit par la décomposition naturelle de l’uranium présent dans le sol et dans les briques de certaines maisons (on trouve par exemple parfois beaucoup d’uranium dans le granite, au moins en comparaison d’autres matériaux). Celui-ci s’accumule parfois dans des caves ou des pièces mal ventilées : lorsque des niveaux dangereux sont atteints, il faut quitter l’endroit et aérer celui-ci jusqu’à ce que le niveau de radon redevienne acceptable.

Ce danger du radon n’est pas anodin : selon l’organisation mondiale de la santé, le rayonnement du radon serait responsable de à des cancers pulmonaires, ce qui en fait la deuxième cause de cancer pulmonaire après le tabac 2. Trop souvent, une fois qu’un niveau dangereux de radon est découvert dans une maison, les habitants n’attendent malheureusement que demi-vies du radon , c’est-à-dire deux fois jours (une bonne semaine), pour revenir chez eux, croyant que le radon a alors complétement disparu.

Pour déterminer le moment exact où il n’est plus considéré dangereux de revenir habiter dans un habitat dans lequel il a été mesuré un niveau de concentration dangereux de radon , il est nécessaire de résoudre une équation dont la solution ne peut s’exprimer la plupart du temps qu’à l’aide des logarithmes. Donnons un exemple concret. En Europe, pour les vieux bâtiments, la valeur maximale recommandée de radiation due au radon est de Bq/m 3

Si on note par exemple l’activité exprimée en Becquerels (c’est-à-dire le nombre de désintégration par seconde) d’une certaine quantité de radon , si on note la masse de radon considérée (exprimée en grammes), g/mol la masse molaire du radon , mol la constante d’Avogadro et s le temps de demi-vie du radon , on a la relation :

Dès lors, si on constate dans une pièce une concentration de radon telle qu’on détecte Bq/m, la quantité de radon au mètre cube est égale à :

Autrement dit, la concentration de radon dans la pièce est de ng/m.

Une concentration de radon acceptable correspond à une détection de Bq/m, c’est-à-dire à une concentration de :

Autrement dit, une concentration de ng/m. Pour arriver à cette concentration, combien de jours faudra-t-il attendre ? Pour répondre à cette question, il faut résoudre l’équation :

Il faut donc attendre presque jours en aérant correctement l’habitation pour revenir à des niveaux acceptables de concentration en radon .

Ce type de calcul est également réalisé pour déterminer la durabilité souhaitable des entrepôts sécurisés de déchets radioactifs des centrales. Pour ceux-ci, les demi-vies sont généralement beaucoup plus longues que celle du radon .

Remarque 5.2.1. L’idée de demi-vie est aussi utilisée dans d’autres contextes, par exemple en chimie avec le temps de demi-réaction qui correspond au temps nécessaire pour que la moitié des réactifs en présence (restants) aient réagi.

5.3 Les échelles logarithmiques

De nombreuses unités et échelles en sciences sont définies à l’aide des logarithmes. Citons par exemple le décibel (son), le pH (acidité) ou encore la magnitude de moment (tremblements de terre) 4.

Intéressons-nous à ce dernier exemple. Les tremblements de terre peuvent libérer des quantités d’énergie inconcevables et c’est l’ordre de grandeur de cette quantité d’énergie qui permet de différencier les séismes. Pour cette raison, on utilise une échelle logarithmique pour classifier les tremblements de terre. En effet, si on note (en N.m) le moment sismique d’un tremblement de terre (ce qui correspond grossièrement à la mesure de l’énergie mesurée d’un tremblement de terre), la définition de la magnitude du moment d’un tremblement de terre est la suivante :

Par exemple, si un tremblement de terre à un moment sismique de 100 milliards N.m, sa magnitude est de :

Que se passe-t-il si le tremblement de terre libérait en fait le double de ce qu’on avait mesuré initialement, c’est-à-dire 200 milliards N.m. Dans ce cas, sa magnitude est de :

Sa magnitude ne double absolument pas !

Ce phénomène correspond au fait que la magnitude (du moment) pour les tremblements de terre est une échelle logarithmique. D’un point de vue technique, cela signifie qu’elle a été définie à l’aide d’une fonction logarithme. En pratique, cela signifie qu’il s’agit d’une échelle qui s’intéresse plutôt à l’ordre de grandeur de ce qui est mesuré plutôt qu’à la valeur exacte de ce qui est mesuré.

Ce type d’échelle est extrêmement utile et répandu (en particulier en sciences) et correspond même à la façon dont nous mesurons intuitivement les choses. Une expérience classique de psychologie est de donner deux poids de forme identique à une personne qui a les yeux bandés et de lui demander de décider quel est celui qui pèse le plus lourd. À la première étape de l’expérience, on donne à la personne un poids de 2kg et un poids de 2,2kg. La quasi totalité des personnes testées déterminent correctement le bon poids. À la deuxième étape de l’expérience, on donne un poids de 20kg et un poids de 20,2kg. La quasi totalité des personnes testées ne sont pas capables de déterminer correctement le bon poids. À la trosième étape de l’expérience, on donne un poids de 20kg et un poids de 22kg. La majeure partie des personnes testées sont capables de déterminer correctement le bon poids. Cette expérience (que vous pouvez simuler vous-mêmes) montre que nous évaluons des différences relatives et des ordres de grandeur plutôt que des différences absolues et des valeurs exactes. C’est facilement compréhensible : pour un être humain, il est inutile d’être par exemple capable de d’estimer si la température d’une plaque de cuisson récemment éteinte est précisément de C ou de C, mais par contre extrêmement important de savoir estimer rapidement si elle est de C ou de C.

Revenons à notre exemple de la magnitude des tremblements de terre. Comprendre qu’il s’agit d’une échelle logarithmique permet de comprendre pourquoi un tremblement de terre d’une magnitude de n’est pas simplement deux fois aussi puissant (et dévastateur) qu’un tremblement de terre d’une magnitude de . En effet, calculons les énergies libérées par un tremblement de terre d’une magnitude de et par un tremblement de terre libérée d’une magnitude de . Commençons avec le cas du tremblement de terre d’une magnitude de , quel est son moment ?

Qu’en est-il du tremblement de terre d’un magnitude de ?

On en déduit qu’un tremblement de terre d’une magnitude de est en fait fois aussi puissant qu’un tremblement de terre de magnitude . Pas étonnant qu’un tremblement de terre de magnitude (il s’en produit en moyenne un par an en Belgique et personne n’en parle) cause beaucoup de dommages que la moitié des dommages causés par un tremblement de terre de magnitude (seuls les bâtiments spécifiquement conçus pour résister aux tremblements de terre ne s’écroulent pas avec une telle magnitude). Comme on le voit, comprendre le fonctionnement des logarithmes permet de comprendre la véritable signification de toute donnée exprimée à l’aide d’une échelle logarithmique.

Il est à noter que les échelles logarithmiques permettent souvent de représenter de façon bien plus efficaces des données aux ordres de grandeurs très disparates.

Par exemple, le graphe ci-dessous aurait été irréalisable (ou illisible) si une échelle logarithmique n’avait pas été utilisée pour les fréquences :

image2

En effet, puisque les fréquences présentent des ordres de grandeurs très différents, un graphique avec des échelles linéaires devrait faire le choix : soit choisir une échelle pour les fréquences qui permet de rendre compte des variations pour les petites fréquences, soit choisir une échelle pour les fréquences qui permet de rendre compte des variations pour les grandes fréquences. Il serait alors impossible de rendre compte des variations de l’ensemble de la distribution de manière lisible.

Terminons ce chapitre avec quelques exercices sur la magnitude du moment des tremblements de terre et sur les échelles logarithmiques.

Exercice 5.3.2.

Exercice 5.3.3.

Exercice 5.3.4.

Exercice 5.3.5. Voici un graphe de l’évolution des approximations du nombre par les êtres humains :

image3

Essayer de représenter ce graphe sans utiliser d’échelle logarithmique. Que constatez-vous ?

Solution. Avec une échelle linéaire pour le nombre de décimales, soit l’évolution entre l’an et l’an semble nulle (si on choisit une grande échelle, soit l’évolution entre l’an et aujourd’hui n’est pas représentable.

5.4 La vérité sur les exposants irrationnels

Section supprimée.

5.5 Équations différentielles et écosystèmes

Section supprimée.

5.6 Complexité algorithmique, algorithmes de tri et P=NP

Section supprimée.

5.7 Tour de Pise et série harmonique

Section supprimée.

1

John Napier, ou Jean Neper en français, a vécu entre 1550 et 1617 et est considéré comme l’inventeur des logarithmes. Il a développé ceux-ci pour simplifier ses calculs d’astronomie.

2

Source : https://www.who.int/cancer/prevention/fr/

3

De façon intéressante, la norme est de Bq/m aux États-Unis.

4

La magnitude de moment est souvent appelée magnitude de l’échelle de Richter dans les médias. C’est une erreur : l’échelle de Richter était une échelle locale uniquement valable pour les tremblements de terre californiens. Elle n’est plus utilisée aujourd’hui par les scientifiques.