3 Introduction aux limites de suites (optionnel)¶
L’infini est une notion qui a intéressé et effrayé les hommes depuis au moins la Grèce Antique. Manipulée de façon intuitive, cette notion est difficile à cerner et peut mener à ce qu’on appelle des paradoxes, des affirmations qui semblent défier la logique car ne pouvant être ni vraies, ni fausses. C’est seulement au dix-neuvième siècle, grâce au travail de Karl Weierstrass, que les mathématiciens sont parvenus à formaliser correctement cette idée étrange qu’est l’infini. Cette découverte est d’autant plus incroyable qu’elle a mené à la naissance de l’analyse mathématique moderne, la branche des mathématiques qui étudie les nombres (réels) et ce qu’il est possible de faire à l’aide de ceux-ci.
Il est à noter que le travail de Georg Cantor, quelques années plus tard, a permis d’étudier mathématiquement l’infini d’une autre manière que ce que permet l’analyse. Néanmoins, nous ne pourrons malheureusement pas aborder cet autre point de vue dans ce chapitre. Pour commencer notre voyage vers la compréhension de l’infini, intéressons-nous à quelques situations simples où l’infini semble jouer un rôle et où un point de vue purement naïf et intuitif de cette notion nous mène à de mystérieuses considérations.
3.1 0,999999… = 1 ?¶
Bien entendu, à ce stade, ces règles peuvent sembler complétement arbitraires. Néanmoins, remarquons qu’un peu de calcul algébrique audacieux nous fait arriver à la même conclusion :
Mais le passage de la première ligne à la deuxième pose question : s’il y a une infinité de chiffres derrière la virgule, peut-on vraiment dire que ?
3.2 La division par 0¶
Cette idée pose cependant vite question. En effet, si est un nombre plus grand que tous les nombres, on devrait avoir :
Mais alors, en soustrayant des deux côtés de l’équation :
Ce qui est assez problématique.
3.3 Le paradoxe de la flèche¶
Ce paradoxe date d’il y a plus de ans et est généralement associé à Zénon, un Grec de la Grèce antique qui collectionnait les paradoxes. Le paradoxe est connu comme le paradoxe de la flèche (ou le paradoxe de l’archer) et a une variante faisant intervenir une tortue et Achille (ou un lièvre). Nous allons donner ici la première version. Imaginons un archer situé à une distance de dam de sa cible. Lorsque l’archer va décocher une flèche, celle-ci va parcourir la distance qui la sépare de la cible, jusqu’au moment où elle la touchera, ce qui arrive en un temps fini.
Néanmoins, Zénon fait remarquer que la flèche, avant d’atteindre la cible, devra d’abord parcourir la moitié de la distance qui la sépare de la cible. De plus, une fois que la flèche aura parcouru cette première moitié de la distance qui la sépare de la cible (une distance de dam), la flèche devra d’abord parcourir la moitié de la distance restante (c’est-à-dire dam). Ensuite, à nouveau, la flèche devra d’abord parcourir la moitié de la distance restante (c’est-à-dire dam). Et ainsi de suite sans qu’il arrive un moment où la distance qui sépare la flèche de la cible soit nulle ! Puisque la flèche devrait parcourir une infinité de distances, Zénon en conclut qu’il lui faudrait un temps infini pour arriver à la cible. Néanmoins, Zénon est bien conscient que s’il réalise l’expérience… la flèche touchera la cible. C’est un paradoxe.
Si on souhaite formuler un peu plus mathématiquement le paradoxe, on peut le faire comme suit. L’intuition physique nous dit que :
Tandis que l’argument de Zénon consiste à dire que :
Nous verrons plus tard que la notion de limite permet de choisir l’égalité la plus pertinente et de comprendre d’où provient la confusion.
3.4 Des sommes infinies¶
A priori, il n’est pas clair qu’on puisse attribuer à cette suite de symboles un sens quelconque. Après tout, les êtres humains que nous sommes ne peuvent jamais qu’additionner un nombre fini de termes puisqu’il semble que notre vie est finie.
- Il ne fait pas sens de considérer comme un nombre réel.
- Il fait sens de considérer comme un nombre réel et on a l’égalité .
- Il ne fait pas sens de considérer comme un nombre réel (on ne dira donc pas que cette somme infinie est égale à , ou ).
Il ne fait pas sens de considérer comme un nombre réel… mais il fait sens de considérer comme un nombre réel et on a l’égalité .